EFS : apprendre à travailler et faire travailler en binôme

 

Clara, lauréate du CRPE 2019 chez ForProf et aujourd’hui étudiante fonctionnaire stagiaire, nous livre son expérience du binôme et dresse un parallèle entre le travail en binôme au sein de son équipe pédagogique et celui demandé à ses élèves en classe.

 

« Maintenant vous allez travailler en binômes » … Ce travail en binômes, c’est le quotidien du PES/EFS, mais c’est également souvent une consigne que nous donnons à nos élèves.

Bien entendu, cela peut être extrêmement satisfaisant lorsque nous portons ensemble un projet partagé, lorsque nous avons la satisfaction d’un travail réussi « à deux » … mais cela peut être aussi une source de tension, nous freiner dans nos réalisations, être source de fatigue, d’incompréhensions. J’imagine que pour nos élèves, c’est la même chose : c’est finalement rarement réussi, et nous en concluons rapidement qu’ « ils ne sont même pas capables de travailler ensemble ! »
… Mais le sommes-nous vraiment, nous autres adultes ? Mettons-nous vraiment toutes les chances de notre côté pour que cela réussisse ? Et pour les élèves alors, leur donnons-nous tous les éléments, toutes les clés pour qu’ils puissent fonctionner véritablement en binômes ?

J’ai eu ma première visite d’un maître-formateur dans ma classe cette semaine, et la séance de mathématiques que j’avais prévue sur ma fiche de préparation et dont j’étais franchement contente, (vraiment!) s’est délitée sous mes yeux. Pourtant j’avais prévu un « beau » travail par binômes, avec de la manipulation, j’avais prévu des supports, j’avais – à mes yeux- tout prévu, tout testé… Mais peine perdue, je me suis vue couler, perdant l’attention de mes élèves les uns après les autres pour finir la séance bien seule, bien abattue d’avoir présenté cette image de ma classe et de moi-même (hein, la « première impression » …).

Heureusement, l’entretien qui a suivi m’a éclairée, m’a donné des pistes pour comprendre ce qui s’était passé : j’avais commis deux grosses erreurs de débutant.e : donner le matériel et expliquer ensuite comme s’en servir (alors là, juré, on ne m’y reprendra plus!)… Et je n’avais prévu qu’un matériel de manipulation pour deux. Mais oui ! Dans mon esprit, en préparant, j’avais prévu un matériel pour deux, puisqu’ils travaillaient en binômes… Sans aucunement penser à une répartition des tâches, à des consignes permettant à chacun au sein du binôme de trouver SA place, de remplir SES objectifs, et donc de construire SES connaissances.

J’ai ainsi créé de toutes pièces une situation d’apprentissage vouée à l’échec, puisque mes élèves ont passé cette séance à se confronter au sein de chaque binôme pour déterminer QUI allait faire quoi, QUI devait faire quoi, sans jamais donc atteindre le but fixé. Je n’oublierai pas la leçon… Et je pense qu’elle vaut également aussi pour nous autres adultes (PES/EFS en particulier).

Lorsque nous travaillons avec notre binôme, il me semble que la majeure partie des tensions vient de la détermination des responsabilités et des objectifs de chacun : qui fait quoi, bien-sûr, mais également plus basiquement « qui corrige ce cahier à quel moment ». Souvent, la compréhension du comportement de l’autre est limitée par les attentes que nous avons, par notre propre personnalité, par notre propre comportement.
Notre binôme ne peut en aucun cas être un double de nous-même, un prolongement de nous qui aurait les mêmes objectifs, les mêmes pensées, les mêmes actions. Si l’on abandonne cette illusion et si nous cherchons à nous connaître nous-mêmes, à définir nos attentes et nos priorités, alors peut-être pourrons nous ouvrir un dialogue constructif avec notre binôme, pour réussir à la fois à collaborer et à coopérer, et ce, au service de la réussite de nos élèves.

Clara